L’intérêt de la conservation de territoires à l’état naturel va au-delà de la sauvegarde d’échantillons de l’ensemble du patrimoine écologique du Québec. Les réserves écologiques existent aussi — et beaucoup — aux fins de recherche scientifique.
On connaît peu et mal le fonctionnement des milieux naturels, continuellement agressés par la mise en valeur et les multiples utilisations du territoire. Les réserves écologiques servent ainsi à évaluer de façon comparative les répercussions des activités humaines sur le milieu. En effet, pour connaître l’impact de certaines agressions sur un écosystème, il faut savoir comment il se comporte dans des conditions naturelles. Les réserves écologiques comblent cette lacune en favorisant la connaissance et la compréhension du fonctionnement de ces milieux. Pour une meilleure utilisation du territoire et de ses ressources, cette fonction est particulièrement importante.
Dans une perspective de conservation et de développement durable, un réseau de réserves écologiques constitue donc le point de référence dont nous avons besoin pour évaluer les effets sur l’environnement des travaux réalisés sur le territoire du Québec. En ce sens, les réserves écologiques sont de véritables laboratoires en milieu naturel et une véritable encyclopédie de la nature qui ne demande qu’à être lue et comprise.
L’activité de recherche scientifique a toujours été très présente depuis la constitution des premières réserves écologiques. Avec la progression du réseau, le nombre de recherches scientifiques dans les réserves écologiques n’a cessé d’augmenter. Deux grandes catégories de projets de recherche s’effectuent dans les réserves écologiques: des recherches de type fondamentale sur les écosystèmes et des projets d’inventaires et de suivi d’espèces. À titre indicatif, dans la seule réserve écologique de Tantaré, constituée en 1978, c’est plus d’une quinzaine de grands secteurs de l’écologie qui ont été abordés et quelque 53 rapports et publications scientifiques qui ont été réalisés par 59 chercheurs différents.
Les chercheurs universitaires et ceux des ministères constituent présentement les principaux intervenants en recherche dans les réserves écologiques. Toutes leurs recherches doivent être effectuées dans des milieux naturels protégés en permanence et de façon intégrale à très long terme. Toutes exigent des aires protégées bien représentatives des écosystèmes naturels du Québec. Les réserves écologiques offrent donc la possibilité unique de pouvoir mener des recherches à long terme sur le milieu naturel sans risque de voir modifiée la vocation ou l’affectation du territoire à l’étude.
À ce jour, la recherche scientifique a abordé des thèmes liés tant aux écosystèmes terrestres qu’à des milieux aquatiques. Elle a aussi été centrée sur la connaissance du fonctionnement des écosystèmes forestiers, sur le dynamisme évolutif de certaines forêts, sur la génétique particulière de plantes rares, sur les communautés animales de plans d’eau, sur la surveillance écologique de milieux naturels susceptibles d’être affectés par des polluants aéroportés. Les réserves écologiques ont, dans beaucoup de cas, permis de servir d’étalons de mesure de l’état de l’environnement par rapport à des milieux sans occupation humaine.
La recherche dans les réserves écologiques peut et doit concerner la collectivité québécoise par ses activités et par ses résultats. Ainsi, rien ne s’oppose à ce qu’un groupe d’ornithologues ou d’entomologistes amateurs se munissent d’une autorisation pour inventorier ou effectuer le suivi de telle ou telle population animale dans une réserve écologique. Et s’il s’agit d’une recherche «hautement scientifique», par exemple l’étude comparée de la formation et de l’évolution de différents types de tourbières, les résultats peuvent directement contribuer à l’amélioration de la gestion de la ressource tourbière au Québec, pour le bénéfice de tous. Peut-on imaginer un seul instant tous les gains que la société québécoise peut retirer à long terme d’un réseau de réserves écologiques où la recherche scientifique est significative? Connaître le fonctionnement de nos écosystèmes naturels, pour mieux gérer les forêts, les lacs, les milieux humides, pour favoriser une utilisation plus appropriée, plus complète et plus durable des espèces et des habitats, somme toute, pour amener une utilisation harmonieuse de nos ressources selon nos besoins, mais dans le respect de la perpétuation des processus écologiques naturels, voilà le mandat de la recherche dans les réserves écologiques.